FPH : Les comptes horaires négatifs ne sont pas à rendre sur l'année suivante
Dans la fonction publique, la rémunération est conditionnée par la règle statutaire dite du “service fait”.
L’article 20 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit ainsi que "les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire".
Néanmoins il faut distinguer le service non fait du fait de l'agent (l’absence injustifiée, le congé sans solde) qui doit entraîner retenue sur rémunération, et celui qui découle de l'organisation de travail, qui est de la responsabilité du chef d'établissement, et dont aucune jurisprudence à notre connaissance n'a validé qu'il puisse entraîner une retenue sur rémunération et encore moins un report sur l’année suivante.
Le premier cas est en effet clairement défini :
« Il n’y a pas de service fait :
1) Lorsque l’agent s’abstient d’effectuer tout ou partie de ses heures de services ;
2°) Lorsque l’agent, bien qu’effectuant ses heures de service, n’exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s’attachent à sa fonction telles qu’elles sont définies dans leur nature et leurs modalités par l’autorité compétente dans le cadre des lois et règlements. »
Le Conseil d'Etat a encore récemment mis en application cette définition (CE 4ème ch., 1er février 2019, n°415648)
Donc, dans toute autre situation qu'une absence du fait de la seule volonté de l'agent, d, il n’y a pas de service non fait, donc l’agent.e est à jour de ses obligations.
Le fait que les heures non faites en raison de l’organisation de travail ne peuvent être reportées résulte ainsi de la combinaison de plusieurs principes réglementaires.
L'obligation de travail est tout d'abord annuelle :
“Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées.” (décret 2002-9 du 4 janvier 2002, art. 1)
Les collègues soumis à des pénibilités spécifiques bénéficient de réductions de cette obligation annuelle (1582h pour les repos variables, 1476h pour les personnels de nuit -art. 3 du même décret).
Elle se calcule sur l'année civile, sur la base de cycles de travail, qui se répètent à l’identique (articles 8-9). Cette dernière notion implique d'ailleurs que la régulation des heures se fasse normalement à la fin de chaque cycle puisque c'est dans ce périmètre que se calcule la durée moyenne des 35h hebdo.
De plus, l'organisation de travail, les cycles, sont fixés par le chef d"établissement, sous sa responsabilité. De même pour le tableau de service
Ce qui nous amène à lire l'article 14 du décret 2002-9 :
“Tout agent soumis à un décompte horaire qui ne peut effectuer l'intégralité de son temps de travail quotidien en raison d'une absence autorisée ou justifiée est considéré avoir accompli le cinquième de ses obligations hebdomadaires de service prévues en moyenne sur la durée du cycle de travail.”
Lorsque cette absence autorisée découle d’un cycle de travail mal équilibré ou non respecté, d’un tableau de service erroné ou toute autre cause de la responsabilité de l’administration, cela implique qu’au 31/12 de l’année civile,les agents sont considérés comme ayant accompli 7h (pour un agent à temps plein) sur les repos surnuméraires, puisque leur absence a été régulièrement autorisée par l'administration.
Enfin, un report aurait pour effet de faire dépasser aux agents leur obligation annuelle de l'année suivante, qui est bien fixée à un maximum. Donc, par définition, ces heures reportées de force et faites seraient à indemniser... au titre des heures sup.
La Cour Administrative d'Appel de Douai a récemment jugé en ce sens, bien qu'elle semble tolérer dans ce cas d'espèce un délai "raisonnable" d'un an qui à notre sens ne s'appuie sur aucun texte précis :
"Il résulte de ces dispositions que le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de 1 607 heures au maximum et que le principe d'annualisation du temps de travail exclut la possibilité de reporter les heures non effectuées au sein de cycles de travail au-delà de l'année suivante, de manière illimitée dans le temps.
8. Au sein de l'EHPAD la Résidence du Parc de Nesle dans lequel Mme A... est employée, le travail est organisé par cycle de huit semaines. Le directeur de l'EHPAD a entendu reporter l'exécution des heures non travaillées par Mme A... par rapport au volume annuel de 1 607 heures exigible, au titre des années 2016, 2017 et 2018 dites " heures négatives ", sur son compte annuel de travail de l'année 2019. Toutefois, en procédant ainsi au report de l'ensemble des " heures négatives " sur la période de trois années, au-delà d'une durée d'une année, l'administration a méconnu le principe du décompte annuel du temps de travail qui implique que le report des heures non effectuées au sein de cycles de travail se fasse sur une durée qui n'excède pas un an."